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utiliser ce médium plutôt qu'un autre ? (2010)

Je n’aime pas la peinture, en cela qu’elle m’échappe. Comme un acte perturbé par la matière. Qu'est-ce que cela implique ? Qu' est-ce que cela veut dire ? Et comment cela se joue ?

Avant de commencer à peindre, tout du moins essayer, je pensais que moi aussi je pouvais faire ce que faisait Picasso. Je me rends compte aujourd’hui que c’est bien plus complexe.

En commençant à traiter des sujets supposés anodins, il s'agissait de réhabiliter l'anonyme, après avoir essayé différents médiums, la peinture s’est installée comme un choix clair.

La peinture, le terme en lui-même, est rentré entièrement dans les mœurs, tout le monde la pratique, pour œuvrer, s'amuser, décorer etc. … «C’est un artiste qui a fait ça. » « Tu es peintre? Tu fais quoi? » « Je ne peux pas le voir en peinture! »

Le terme de peinture ne veut pas dire grand chose, il n'existerait plus mais cela se joue ailleurs.

Ainsi la peinture doit être une unicité de choses. Ce médium est si vieux qu’il est supposé retracer l’histoire du monde, l’histoire de l’art et notre propre histoire, c’est à ce moment là qu’un tableau peut survenir.

Le fait que la peinture résiste à n’importe quel autre médium, c’est que technologiquement elle est dépassée et qu'elle suppose un recul sur notre environnement : les matériaux inventés se veulent toujours de plus en plus résistants. Il y aurait dans la peinture, une périssabilité de la matière, tout autant qu'une limite des bords. De plus, une reproductibilité deviendrait impossible avec ce médium –sauf images planes- .

Quand je peins, la matière est croisée, recouverte, effacée comme une sorte de trame incalculable que seul la main de l'homme peut induire, sortant ainsi des systèmes numériques actuels. Ce serait l'idée d'une marge, tout du moins un lieu expérimental où ce qui est normé n'est pas présent, où la reproductibilité de l'image échoue, peindre une série avec le même motif ne donne jamais lieu aux mêmes rencontres.

Le sujet que j’utilise n’est qu’une excuse, comme on utilise une histoire, rendre une idée plus accessible, et même s'il y a du divertissement qui s'installe, avec cette narration tout un chacun peut créer sa propre histoire par rapport à la picturalité et finalement se réapproprier la peinture. Cet objet peinture devient alors une sorte de lien entre différentes paroles. En fait, c'est tout bonnement la figure qui paraîtrait en désuétude qui me sert de fil conducteur pour m’interroger sur la peinture en tant que telle et continuer à avancer.

Une découpe imaginaire se fait dans le réel et une figure vient s'insérer dans la peinture qui, paradoxalement, a besoin d'être décantée de son histoire : il s'agit d'enlever ce qui ne sert pas, pour faire émerger la peinture seule.

La peinture serait, dans l'idée que j'en ai, un objet (châssis, toile, etc. … ), de la matière et de la couleur, il y a des différences de valeur qui permettent de créer toute les nuances et saturations ; basées sur le blanc et noir.

La peinture est un objet fini et même si elle sort de son cadre, elle a ses limites et ne peut être considérée comme une simple fenêtre. Un déploiement de la peinture ne vient qu’au moment où tout s'amalgame comme dans un ailleurs avec lequel je dois m'arranger pour trouver la justesse, dans ses mélanges, ses aléas et sa résistance qui n'appartiennent qu'à elle.

Rien de très nouveau sinon trouver la "contemporanéité" qui incombe à celui qui peint.

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Florent Girard

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